Ciel, mon Namur ! ll n’est guère que la photographie pour saisir la fuite du temps, aux rides des hommes comme aux changements de la terre où ils vivent. Nul besoin d’attendre un siècle pour que les vues anciennes nous renvoient des gens et des lieux une image désuète, souvent fascinante. Ces vues aériennes où chaque Namurois reconnaîtra des coins familiers, si ce n’est sa propre maison, quels sentiments inspireront-elles à nos petits-enfants ? Marc Ronvaux a donc cette fois délaissé les livres anciens et les papiers poussiéreux pour réaliser le rêve d’Icare, dans le soleil et le vent. Tout cela grâce au paramoteur : connaissez-vous cette grande voile gonflée par le vent et poussée par une hélice au dos du pilote ? Avouez que l'idée est plaisante. Un petit moteur, une hélice, un morceau de tissu, quelques fils et on peut aller au gré de sa fantaisie ! C’est la plus facile, la moins onéreuse et la plus sûre des disciplines de vol motorisé : le pilote peut décoller par vent calme de n’importe quel bout de terrain dégagé, et même en cas de panne, la voilure souple permet de planer lentement avant de se poser avec précision. On peut raser les pâquerettes, mais aussi monter très haut, précaution utile pour survoler Namur… Le premier rêve d’un nouvel Icare namurois, ce ne pouvait être que d’aller surprendre sa région de là-haut : Ciel, mon Namur ! La voici dévoilée, avec ses mille et un visages, abbayes et châteaux, vertes vallées et campagnes immenses, villages de pierre et débordements de la ville. De la haut, on découvre des ruisseaux ignorés, des châteaux cachés dans la verdure, les anciens forts. Pas moyen de se perdre : les lames grises de la Sambre, de la Meuse et le long ruban des autoroutes donnent les plus sûrs repères ; et puis, à peine a-t-on décollé qu’on aperçoit, toutes proches déjà, les colonnes de vapeur des centrales de Tihange d’un côté, de Chooz de l’autre. Il n’y a plus guère de coin vraiment sauvage par chez nous, les marques de l’activité humaine sont partout, mais vues du ciel, même les cicatrices infligées au paysage, spécialement les immenses carrières creusées hier ou aujourd’hui, prennent souvent une étrange beauté. Les couleurs aussi changent fortement d’une saison à l’autre : les gris dominent en hiver et les verts, tendres au printemps, deviennent profonds en été. Ces vols au cours des saisons, dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres autour de Namur, nous donnent une moisson d’environ deux cents photos, de la vignette au grand format. Elles sont groupées en cinq chapitres : la ville, traverses, côté nord, terre et pierre, côté sud. Pour accompagner ces images, point de longs commentaires, mais de petites notes, histoire pour l’auteur de ne pas voler idiot : clins d’œil, repères historiques, citations d’écrivains anciens qui ont vu la région d’un autre point de vue et d’un regard différent. Quelques vers aussi de poètes de chez nous, qui eux n’ont nul besoin d’une aile rouge ou jaune pour s’élever dans les airs : ainsi François Bovesse, le musicien de la ronde des heures et saisons namuroises, ou Jacques-André Saintonge, rêveur à la joie sauvage, dionysiaque, dont l’écriture fervente ondule comme cette Meuse qu’il a célébrée et à qui nous laisserons le mot de la fin : « Juste assez haut pour se dire qu’on se dirait, plus haut : c’était le temps béni où nous étions sur terre »… 112 pages en couleur, 17 x 24 cm , 15 euros Éditions Martagon asbl. Livre toujours disponible sur commande en librairie ou sur le site de l’asbl Editions Martagon. Ces photos aériennes, jointes à celles de Jacques Verrees, ont fait l'objet d'une exposition publique place d'Armes à Namur, dans le cadre d'une réflexion sur le projet de ville.